lecture Chapelle de Ronchamp
de Le Corbusier
 

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1951—1955 Chapelle Notre-Dame-du-Haut
Colline de Bourlémont, Ronchamp, France


"Clouant de stupeur ses partisans et ses disciples, la révolution plastique de Ronchamp coïncide avec la rencontre de Le Corbusier et de l’architecture sacrée. Ses programmes lui offrent dans l’après-guerre le prétexte à une méditation sur l’espace habité par l’homme entre sol et ciel. Sur la colline de Bourlémont, dernier contrefort des Vosges, culminant à 500 mètres d’altitude, il se voit demander de reconstruire la chapelle Notre-Dame-du-Haut, lieu de pèlerinage consacré par ‘Histoire et rasé par les bombardements de la guerre. En dépit de sa méfiance quasi génétique vis-à-vis de l’Église catholique, il répond aux sollicitations des animateurs du mouvement de l’Art sacré, militant pour l’introduction de l’architecture et de la peinture modernes dans les édifices religieux. Les pères Couturier et Régamey et les laïcs François Mathey et Maurice Jardot parviennent à le convaincre d’étudier ce projet.

Dès sa première visite, en 1950, il est séduit par un lieu qui s’apparente aux sommets jurassiens découverts avec L’Eplattenier quarante ans plus tôt. Il saisit l’occasion de «relier les hommes au cosmos», à l’image des observatoires indiens découverts au même moment. Son projet sera donc éminemment spécifique au lieu.
Il s’imprègne de son histoire, lisant un livre écrit sur l’église par le chanoine Belot, et se propose de formuler « une parole adressée au lieu », en quelque sorte une « réponse aux horizons ». Stimulant essentiel, le site n’est pas le seul générateur du projet. L’idée centrale se rattache à la découverte, sur une plage de Long Island, d’une carapace de crabe vide, semblable à celles peintes dans ses toiles des années 1930. Posée sur quatre murs épais, la coquille donnera son modèle à la toiture de la chapelle.

À partir de cette idée initiale, des maquettes successives de fil de fer et de bois permettent en 1952 la mise au point du projet, dont le chantier est mené en 1954. La coque de la toiture est réalisée comme une aile d’avion avec des couples juxtaposés et une enveloppe; indépendants et séparés de la coque par une mince fente, les murs sont un assemblage de voiles et de piliers en béton armé, squelette sur lequel les revêtements intérieur et extérieur sont fixés. Le mur sud est à la fois plus épais et plus effilé que les autres et, dans le cours de l’étude, la pile porteuse de l’est, initialement mince au point d’être assimilée à un «piquet de tente», devient l’homologue des chapelles en alvéoles. Les dallages et les autels utilisent la pierre. Le plan de la chapelle, de plus en plus dissymétrique dans le cours du projet, est réglé, tant dehors que dedans, par la position des autels. Une statue polychrome de la Vierge du XVIIe siècle, seul vestige de l’église brûlée, est placée de sorte à être visible à la fois par les pèlerins découvrant l’édifice et par ceux qui assistent aux offices.

À côté de la carapace de crabe, d’autres images d’un grand éclectisme nourrissent l’invention de Le Corbusier. Images modernes, comme les gargouilles «en saut de ski» débordant de la toiture empruntées aux barrages hydroélectriques, mais aussi images puisées dans sa mémoire la plus ancienne. Les pinceaux de lumière tombant dans les chapelles secondaires évoquent le serapeum de la villa d’Hadrien, dessiné par Jeanneret en 1911. lI le décrit comme un «trou de mystère» où il avait « repéré un truc». Quant au surprenant «brise-lumière» du mur sud, avec ses niches projetant une clarté modulée par la couleur, il évoque les parois de la mosquée Sidi Brahim à El Atteuf, découverte lors de son voyage dans la pentapole algérienne du M’zab en 1931. Enfin, les faces des périscopes des clochers rappellent les stèles funéraires d’lschia.

Le jeu de la matière et de la lumière pratiqué à Ronchamp brise l’obsession des années 1920 pour les surfaces lisses et la clarté homogène. La lumière et l’ombre deviennent désormais des instruments pour sculpter l’espace. Et la façade, qui avait comme seule vertu d’être «libre», permet désormais, grâce à l’épaisseur du mur, de mettre en œuvre ces instruments. Sous cet éclairage dramatique, le béton blanc et grenu des murs et celui, brut de décoffrage, de la toiture remplacent le revêtement homogène et presque abstrait des maisons d’inspiration machiniste par un témoignage du travail humain.

Le Corbusier demandera en vain à Edgar Varèse, en 1954, de composer une musique adaptée au lieu"

texte extrait de LE CORBUSIER par Jean-Louis Cohen. éditions Taschen, 2004, ISBN 3-8228-3534-X, www.taschen.com

   
  Autres infos et projets :
  • Le site officiel de la Fondation Le Corbusier
  • Article sur "l'abbé et l'architecte"
  • Chapelle Notre-Dame-du-Haut de Ronchamp sur Wikipédia
  • Le site officiel de la Chapelle de Ronchamp
  • Photos de la construction de la chapelle
  • Ronchamp en cartes postales
  • Au pied de la célèbre chapelle de Le Corbusier, un nouveau bâtiment d’accueil et un monastère de clarisses conçus par l'architecte Renzo Piano sont inaugurés jeudi 8 septembre 2011
  • Le site de la ville de Ronchamp
  • Autre page sur la chapelle de Ronchamp
  • La petite maison de Le Corbusier à Corseaux

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